Habitats indignes : impact sur la gestion des copropriétés

Selon l’ANAH, sur les 750 000 copropriétés françaises, 150 000 rencontrent des difficultés financières, une situation aggravée par les 400 000 habitats indignes recensés en métropole et 100 000 en Outre-Mer. Ces logements insalubres constituent une préoccupation majeure pour la sécurité et le bien-être des occupants. Pour remédier à cette situation critique, la loi sur l’habitat indigne du 9 avril 2024 a été promulguée.

Cette loi simplifie les processus judiciaires et administratifs pour accélérer les interventions dans les logements insalubres et dangereux.

Les habitats indignes désignés aussi comme habitats dégradés englobent une variété de conditions, incluant des dégradations structurelles, des défauts d’hygiène et d’autres problèmes compromettant la qualité de vie des habitants. Cette législation distingue les logements classés comme habitats indignes, caractérisés par des risques graves pour la sécurité ou la santé, et ceux non décents, affectés par des dégradations moins critiques mais néanmoins préoccupantes.

Cette loi répond aux tragédies des effondrements d’immeubles à Lille, Marseille et Nanterre, avec des pertes humaines. Elle vise donc à prévenir de telles catastrophes à l’avenir, en renforçant les normes de sécurité et en améliorant la gestion des biens immobiliers.

Cet article vous permettra, en tant que syndic ou gestionnaire d’immeuble, de comprendre les enjeux et les aspects de cette nouvelle loi afin de sécuriser vos copropriétés

I) Nouvelle gestion technique et judiciaire des habitats indignes

Dans le cadre des politiques publiques visant à améliorer les habitats indignes et à répondre aux besoins croissants de travaux de rénovation, plusieurs initiatives clés ont été mises en place récemment en France.

1. Diagnostic technique structurel des bâtiments indignes

La loi permet aux maires d’exiger un diagnostic structurel des bâtiments pour prévenir les effondrements. Un amendement permet au maire de définir des secteurs où ce diagnostic est obligatoire tous les dix ans, incluant une description des désordres et une évaluation des risques pour la sécurité des occupants et du voisinage. Cette disposition est ensuite modifiée pour confier cette mission au Plan Local d’Urbanisme (PLU) via une procédure de modification simplifiée.

    💡Bon à savoir :

    Le diagnostic structurel identifie les problèmes comme fissures, corrosion, flambement, affaissement de balcon et autres dégradations. Les autres dégradations incluent l’éclatement du béton, la pourriture, le tassement des fondations et le basculement de murs de soutènement. Il s’agit d’inspecter la structure et les matériaux du bâtiment (bois, métal, béton, pierre, brique).

    Les objectifs du diagnostic structurel sont :

    • Établir un état des lieux de la structure et son état de conservation.
    • Identifier l’origine et la nature des désordres et évaluer leur impact sur la solidité.
    • Vérifier l’adéquation entre les capacités structurelles et les modifications apportées.
    • Établir une analyse prédictive de l’évolution probable de l’ouvrage.
    • Préconiser des solutions techniques de réparation ou renforcement et fournir une estimation financière.
    • Proposer un plan de maintenance et de surveillance.

    Pour mieux prendre en compte les petites copropriétés de centres-villes, les sénateurs renforcent les prérogatives des maires dans l’attribution de permis de louer pour les habitats indignes, en permettant d’exiger un diagnostic structurel des immeubles.

    Les élus locaux peuvent faire appel aux pompiers pour constater des situations d’insécurité

      2. Mesures concrètes pour des immeubles présentant un risque sécuritaire 

      Les maires peuvent ordonner la démolition immédiate des constructions illégales et dangereuses sous contrôle judiciaire. Les maires peuvent faire réaliser des travaux d’office, aux frais des propriétaires, pour les bâtiments risqués.

      Dans le cadre de situations de risque de sécurité, des concessions d’aménagement peuvent être accordées pour faciliter des rénovations ponctuelles.

      Lorsque de grandes copropriétés deviennent ingérables et accumulent d’importants impayés, une scission peut être envisagée pour faciliter leur gestion.

      💡Bon à savoir :

      Selon l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), les copropriétés délabrées en France sont prises en charge à travers plusieurs axes principaux :

      1. Transformation et sécurité des habitants : L’ANAH finance des travaux d’urgence pour prévenir les risques électriques, assurant la sécurité des habitants.
      2. Relogement et transformation en parc social : L’Agence soutient le relogement des résidents et la démolition ou transformation des immeubles dégradés en logements sociaux. Cette action vise à revitaliser les quartiers et à améliorer les conditions de vie.
      3. Redressement vers une gestion saine : L’ANAH travaille au redressement des copropriétés fragilisées, visant à stabiliser leur gestion et à assurer leur pérennité à long terme.
      4. Prévention proactive : En utilisant le registre des copropriétés, l’ANAH participe à la prévention des situations critiques en identifiant les problèmes potentiels avant qu’ils ne deviennent urgents.

      Ces initiatives reflètent l’engagement de l’ANAH à améliorer la qualité de vie des habitants et à promouvoir une gestion durable des copropriétés à travers des mesures concrètes de transformation, de redressement et de prévention. 

      La loi introduit l’expropriation pour les propriétaires de logements frappés d’arrêté de péril ou d’insalubrité. Cette procédure d’expropriation est en prévision de leur démolition.

      De même, les propriétaires négligeant les travaux de sécurité après deux mises en demeure en dix ans seront expropriés.

      L’objectif est de permettre une intervention publique précoce avant que les immeubles ne deviennent totalement insalubres. 

      Pour reloger les évacués, des logements temporaires peuvent être construits sans autorisation d’urbanisme. Ces logements temporaires sont utilisés pour une durée maximale de cinq ans, sous réserve de l’approbation du maire.

      3. Sanctions pénales 

      La loi renforce les sanctions pénales en ajoutant une peine complémentaire pour les bailleurs louant des habitats indignes. En effet, ils sont interdits d’acquérir d’autre bien immobilier autre que leur résidence principale pendant quinze ans.

      Les immeubles concernés seront confisqués par les maires.

      Les sanctions seront renforcées : 

      • Peines aggravées : Les peines d’emprisonnement et d’amende sont aggravées, jusqu’à 7 ans et 200 000 euros, en cas de circonstances aggravantes.
      • Interdiction d’achat : Allongement de l’interdiction d’acheter des biens à louer.
      • Accès au casier judiciaire : Les notaires pourront consulter le casier judiciaire des personnes morales.
      • Séquestration des indemnités : Possibilité de séquestrer les indemnités d’expropriation en cas de soupçon de délit.
      • Amendes pour violation de permis : Les collectivités pourront prononcer des amendes en cas de violation de permis de louer.

      Exemple de sanction :

      Condamnation des propriétaires de la copropriété « Gyptis » à Marseille le 2 juillet 2024 :

      • Deux propriétaires condamnés pour avoir perçu des loyers malgré un arrêté de péril.
      • Sanctions : trois mois de prison avec sursis, amendes, remboursement des loyers perçus illégalement et dommages pour préjudice moral.
      • Interdiction d’acquérir des biens immobiliers et d’exercer la profession de loueur de logements.

      II) Nouvelle gestion administrative et financière des habitats indignes

      Ce programme inclut aussi un accompagnement social, juridique et financier pour les copropriétés fragiles.

      1. Droit de préemption 

      Le droit de préemption est renforcé pour faciliter le rachat des copropriétés en difficulté financière. Les municipalités peuvent désormais se déclarer prioritaires en cas de revente de ces logements composant ces immeubles.

      2. Prêt global collectif

      Un nouveau prêt global collectif, souscrit par le syndicat de copropriétaires plutôt qu’à l’échelle individuelle, vise à accompagner les copropriétaires dans les travaux et à faciliter le préfinancement des subventions publiques telles que MaPrimeRénov’ Copropriété.

      Ce prêt « tout en un » permet aux syndicats de copropriétaires de souscrire un financement global auquel tous les copropriétaires participent, accélérant ainsi la réalisation des travaux nécessaires. Pour les copropriétés en difficulté, un fonds de garantie publique sera mis en place pour les aider à recourir à ce prêt, renforçant ainsi la lutte contre les habitats indignes.

      L’un des objectifs principaux de ce texte est de faciliter le lancement des travaux en amont dans les copropriétés. Le prêt global collectif permet aux syndics d’améliorer l’accès au crédit des copropriétés et de réduire les délais par rapport à une multitude de demandes individuelles.

      3. Simplification des procédures de recouvrement des charges impayées

      En ce qui concerne les finances, la simplification des procédures de recouvrement des charges impayées est une mesure bienvenue. Des mécanismes plus efficaces et moins bureaucratiques permettent aux syndics de récupérer les fonds dus plus rapidement, garantissant ainsi une meilleure santé financière pour les copropriétés. Cela réduit également les tensions entre copropriétaires et assure une gestion plus harmonieuse.

      La saisie conservatoire des provisions de charge vise à renforcer les moyens d’action des syndics face aux copropriétaires mauvais payeurs et permet de geler les comptes bancaires sans attendre une décision de justice. Cependant , quelques limites à cette mise en oeuvre existent :

      • restriction du périmètre aux provisions votées en AG et aux dépenses de travaux
      • obligation de délivrer un commandement de payer dans le mois suivant la saisie
      • nécessité de convaincre le juge en cas de contestation de la réalité du péril dans le recouvrement.

      4. Fond de garantie publique

      Parallèlement, un fond de garantie publique a été instauré pour soutenir les copropriétés en difficulté. Ce fond offre une aide financière cruciale pour les syndicats de copropriétés confrontés à des défis financiers significatifs, facilitant ainsi la réalisation de travaux de rénovation et de réhabilitation essentiels. 

      Grâce à ce soutien, les copropriétés peuvent préserver leur patrimoine immobilier et améliorer la qualité de vie des résidents, tout en assurant une gestion durable et responsable des espaces communs.

      Exemple concret d’aide publique :

      Le 14 février 2022, un incendie causé par l’état de délabrement avancé d’un immeuble a entraîné la mort d’une jeune fille de 13 ans à Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise). 

      Pour éviter de tels drames, 1 900 logements, soit 40 % du parc privé de cette ville, sont concernés par une opération visant à accompagner financièrement les petits propriétaires en difficulté dans la rénovation de leurs biens. 

      Grâce à une importante aide financière publique, le reste à charge des travaux pour les propriétaires privés sera de 10 à 20 %. Sur une enveloppe totale de 59 millions d’euros, 33 millions proviennent de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), 18 millions de la région, et 900 000 euros de la ville.

      III) Amélioration du fonctionnement des copropriétés par l’appui des syndics

      Pour améliorer le fonctionnement des copropriétés dégradées, le rôle du syndic sera renforcé à travers plusieurs mesures clés :

      • Amélioration de l’information des copropriétaires sur l’état de leur immeuble.
      • Numérisation des notifications du syndic afin de fluidifier la gestion administrative.
      • Facilitation des votes en assemblée générale pour les travaux de rénovation.
      • Simplification des procédures de recouvrement des impayés de charges.
      • Interdiction pour les créanciers de saisir les aides publiques destinées aux travaux urgents.
      • Facilitation de la scission des grandes copropriétés ingouvernables en ensembles plus gérables.
      • Création d’un agrément de « syndic d’intérêt collectif », similaire à celui des bailleurs sociaux, pour améliorer la gestion des copropriétés.
      • Responsabilisation des syndics pour intervenir précocement en cas de dégradation financière.

      1. Meilleure information sur l’état des copropriétés aux occupants

      La gestion des copropriétés en France évolue vers plus de transparence, de modernisation et d’efficacité, grâce à plusieurs mesures récentes.

      Tout d’abord, la meilleure information sur l’état des copropriétés dans les registres de copropriétés est essentielle. Ces registres, désormais plus complets et accessibles, permettent aux copropriétaires, syndics et futurs acquéreurs de connaître en détail la situation administrative et financière des immeubles. Cette transparence accrue facilite la prise de décision éclairée et renforce la confiance des parties prenantes.

      Par ailleurs, la simplification des votes en assemblée générale (AG) pour les travaux de rénovation est une avancée notable. En réduisant les procédures complexes et en facilitant les conditions de vote, les copropriétaires peuvent plus rapidement et facilement approuver les projets nécessaires à l’entretien et à la rénovation de leurs immeubles. Cela permet d’accélérer la mise en œuvre des travaux, contribuant ainsi à l’amélioration continue des copropriétés.

      L’information des occupants et des acquéreurs sur les procédures de police concernant les immeubles dégradés est également renforcée. Les résidents seront désormais mieux informés des mesures prises pour traiter les problèmes d’habitat indigne, ce qui améliore la transparence et la confiance dans la gestion des immeubles.

      En somme, ces mesures visent à moderniser et améliorer la gestion des copropriétés, en mettant l’accent sur la transparence, l’efficacité et la responsabilité. Ces changements sont essentiels pour garantir un habitat de qualité et durable pour tous les résidents.

      2. Syndic d’intérêt collectif

      Le concept de syndic d’intérêt collectif, présenté dans la loi du 9 avril 2024, représente une innovation législative majeure pour les copropriétés en difficulté. Cette nouvelle forme de gestion vise à requalifier le métier de syndic en se concentrant sur l’intérêt collectif plutôt que particulier. Ce nouvel agrément leur permet d’intervenir sur les copropriétés sous mandataire ad hoc ou sous administration judiciaire provisoire.

      Le syndic d’intérêt collectif peut intervenir dans deux types de copropriétés :

      • Les résidences avec un taux d’impayés de charges dépassant un certain seuil.
      • Les copropriétés placées sous administration provisoire par décision de justice.

      L’initiative répond à un besoin accru de professionnalisation et de clarification des rôles dans la gestion immobilière. Bien que des questions subsistent quant à son implémentation et aux qualifications requises, le syndic d’intérêt collectif pourrait devenir une référence rassurante pour les copropriétés souhaitant améliorer leur gestion et renforcer leur stabilité financière.

      💡Bon à savoir :

      Entre 200 000 et 300 000 copropriétés pourraient être concernées par la nomination d’un tel syndic. Les bailleurs sociaux sont automatiquement qualifiés comme syndic d’intérêt collectif.

      La digitalisation des processus joue un rôle clé dans cette transformation. En fluidifiant la gestion par les syndics, la digitalisation permet une meilleure communication, un suivi plus précis des travaux et des finances, ainsi qu’une accessibilité améliorée aux documents importants pour tous les copropriétaires. Cette modernisation est cruciale pour gérer efficacement les copropriétés, particulièrement celles en difficulté. Pour cela, les fichiers contenant les adresses e-mails devront être régulièrement mises à jour.

      Enfin, la responsabilisation des syndics pour intervenir rapidement en cas de dégradation financière est un aspect crucial de ces réformes. Les syndics sont désormais encouragés à agir de manière proactive pour prévenir les problèmes financiers et structurels, plutôt que d’attendre que la situation se détériore. Cette intervention précoce est essentielle pour maintenir la stabilité et la viabilité des copropriétés à long terme.

      3. Priorisation de projets d’aménagement et opérations d’intérêt national

      Pour stimuler le développement urbain et répondre efficacement à la demande accrue de logements, les projets d’aménagement et les opérations d’intérêt national sont désormais priorisés. Cette stratégie cible spécifiquement 22 territoires où la demande est la plus forte. En concentrant les ressources et les efforts dans ces zones, les autorités visent à optimiser l’utilisation des espaces urbains disponibles et à créer des environnements résidentiels et commerciaux modernes, répondant aux normes de durabilité et d’accessibilité.

      Ces initiatives illustrent l’engagement du gouvernement à promouvoir un développement urbain équilibré et à garantir des conditions de vie optimales pour tous les citoyens. En investissant dans des projets stratégiques et en soutenant les copropriétés en difficulté, la France se positionne à l’avant-garde des politiques urbaines durables, répondant aux défis contemporains tout en préparant l’avenir avec vision et responsabilité.

      Conclusion

      En conclusion, la loi sur l’habitat indigne a un impact significatif en France, en renforçant les dispositifs juridiques et en introduisant des mesures concrètes pour lutter contre les logements dégradés. Cette législation a permis d’améliorer la qualité de vie des résidents et de sécuriser leur habitat en ciblant les copropriétés les plus vulnérables. Cependant, l’avenir de la gestion des copropriétés avec logements délabrés nécessite une approche intégrée et proactive, allant au-delà des seules obligations légales pour embrasser une vision plus large de développement urbain durable.

      En tant que syndic, ces nouvelles dispositions vous permettront de jouer un rôle encore plus crucial dans la préservation et l’amélioration des copropriétés. La paupérisation croissante des copropriétés constitue un défi national urgent, affectant de nombreux territoires à travers la France. La mise en oeuvre de cette nouvelle loi vise à relever ce défi en introduisant des mesures structurelles, financières et juridiques adaptées, pour garantir des conditions de vie dignes et sécurisées pour tous les résidents des copropriétés.

      Il est essentiel que toutes les parties prenantes – gouvernements, collectivités locales, syndics, propriétaires et résidents – collaborent étroitement pour une amélioration continue de l’habitat en France. Cette collaboration doit viser à renforcer les politiques publiques, à promouvoir l’innovation dans la gestion immobilière et à mobiliser des ressources adéquates pour soutenir les copropriétés en difficulté.

      En mettant l’accent sur la transparence, la modernisation des pratiques de gestion et la promotion d’une responsabilité partagée, la France peut progresser vers des communautés urbaines plus sûres, plus saines et plus résilientes. C’est par cette approche collective et engagée que l’habitat en France pourra répondre aux défis présents et futurs, assurant ainsi un cadre de vie optimal pour tous ses citoyens.