Inflation des charges de copropriété : analyse approfondie

L’inflation des charges de copropriété est un phénomène préoccupant qui a attiré l’attention des médias particulièrement en février 2024. Les articles de presse se basant sur le baromètre des charges de copropriété de la société Matera révèlent une augmentation significative entre 2022 et 2023. 

Cette étude a mis en lumière une inflation de 9,7% sur les charges de chauffage individuel et de 14% pour le chauffage collectif, touchant toutes les tailles de copropriétés sur un échantillon de 3 000 copropriétés. Les postes les plus impactés seraient la maintenance (19%), l’électricité (16%) et l’assurance (14%).

Dans cet article, nous détaillons les causes de cette inflation entre 2022 et 2023 dans un horizon de temps plus large. Néanmoins, nous nuançons cette analyse en nous appuyant sur 4 sources de hausse des charges de copropriété : l’augmentation des minima sociaux, la clause d’indexation des contrats de services, l’augmentation du prix de l’énergie et celle du prix de l’assurance.

Lexique

EBI : indice d’Énergie et Biens Intermédiaires

EBIQ : indice d’Énergie, Biens Intermédiaires et biens d’investissements 

FFB : indice de la Fédération Française du Bâtiment

FSD : indice de Frais et Services Divers

ICC : Indice de Coût à la Construction

ICT : Indice du Coût du Travail 

TCH : indice de Transport, Communication et Hôtellerie

TICFE : Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d’Électricité

I) L’augmentation des minima sociaux

Les sociétés de services indexent souvent leurs contrats sur les salaires minimums présents dans les conventions collectives de leurs branches.

Cette indexation permet au prestataire de réviser à la date anniversaire le montant de leurs contrats en fonction des évolutions des conventions collectives. C’est notamment le cas par exemple pour le nettoyage et le gardiennage.

1. Exemple des sociétés de ménage

La convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés a revalorisé de +5,38% les salaires minima depuis le 1er février 2023. Un avenant à cette convention stipule qu’une année d’ancienneté permet aux agents de propreté de passer à un échelon supérieur. Ce passage à l’échelon supérieur leur permet également d’avoir une augmentation salariale de +5,74% depuis le 1er juillet 2023.

Le taux horaire moyen augmente significativement depuis 2021 selon le graphique ci-dessous. 

💡Bon à savoir :

De nouvelles discussions sont en cours concernant la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés. En effet, de nouvelles valorisations salariales sont attendues courant février 2024, puis en juillet 2024.

Ces augmentations des minima sociaux sont à mettre en parallèle avec l’augmentation des charges annexes que subissent les entreprises de nettoyage notamment. En effet, les frais de stationnement, de carburant ou encore des matières premières tels que les produits d’entretien alourdissent les charges des employeurs.

2. Exemple des sociétés de sécurité

Selon la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, le constat est le même. Les salaires minima ont aussi augmenté.

Selon les grilles de salaire applicables (avec une base mensuelle de 151,67 heures), un agent d’exploitation de niveau 2 percevait au minimum 1460,89 € brut en 2019 vs 1775,72 € brut en 2024, soit une augmentation de +21% en 5 ans.

Cette convention collective prévoit aussi que les primes des paniers repas et d’entretien des tenues augmentent ces mêmes années.  

💡Bon à savoir :

Un accord triennal a même été signé pour les années 2024, 2025 et 2026 afin de prévoir une revalorisation salariale des employés du secteur de la sécurité.

Ces données ont été résumées dans le tableau ci-dessous. La plus grande augmentation salariale est constatée en 2023 (+7,50%). Ce qui concorde avec l’inflation subie depuis 2022 et la volonté de ce secteur d’activité d’accroître son attractivité.

💡Bon à savoir :

Les minima sociaux des sociétés de nettoyage et de sécurité ayant augmenté, les contrats de service associés (ménage et gardiennage), dépendant de ces données, évoluent aussi. A cela s’ajoute la forte inflation de ces dernières années et l’augmentation des coûts annexes subis par ces entreprises.

Ainsi, les charges de copropriété liées au nettoyage et au gardiennage ont donc augmenté entre 2020 et 2024.

Nous pouvons également noter de forts besoins en recrutement dans ce domaine en France pour couvrir les différents événements internationaux (Coupe du monde de Rugby, Jeux Olympiques). Pour couvrir les besoins en sécurité des Jeux Olympiques de Paris 2024, 40 000 agents de sécurité sont attendus.

II) La clause d’indexation des contrats de services

Les contrats de maintenance des copropriétés sont aussi indexés sur divers indices en fonction des secteurs d’activité. Cela signifie que l’évolution de ces indices fait varier le coût de ces contrats.

Par exemple, les indices du coût du travail (ICT) et de frais et services divers (FSD) sont souvent utilisés dans les clauses d’indexation des contrats en copropriété. Par définition, une clause d’indexation dans un contrat prévoit l’évolution du prix en fonction d’un indice et de la périodicité. 

1. L’indice du coût de travail (ICT)

Selon l’INSEE, l’indice du coût du travail décrit le coût horaire du travail (salaires et charges) en France sur l’ensemble des secteurs marchands non agricoles hors services aux ménages. 

💡Bon à savoir :

L’indice du coût de travail (ICT) reflète l’évolution de l’ensemble des rémunérations, des cotisations sociales (salariales et patronales) et des taxes nettes de subventions.

Il est calculé en rapportant au volume horaire de travail, la somme de la masse salariale, des charges sociales et des autres coûts après prise en compte des exonérations de charges.

En se basant sur les données de l’INSEE sur l’ICT selon le graphique ci-dessous, une augmentation est constatée depuis le premier trimestre 2022. En 2023, entre le premier et le deuxième trimestre, une légère augmentation de l’ICT (+0,6%) est également observée. L’augmentation totale de l’ICT entre le premier trimestre 2020 et le deuxième trimestre 2023 est de +104,5%.

2. L’indice de frais et de services divers (FSD)

Selon l’INSEE, l’indice de frais et services divers (FSD) est composé lui-même de plusieurs indices : 

  • indice de coût à la construction (ICC) ;
  • indice de transport, communication et hôtellerie (TCH) ;
  • indice d’énergie et biens intermédiaires (EBI) ;
  • indice d’énergie, biens intermédiaires et biens d’investissements (EBIQ).

Les calculs résultant de la composition de ces différents indices permettent de distinguer 3 types de FSD : FSD1, FSD2, FSD3. 

💡Bon à savoir :

L’évolution de l’indice FSD varie le plus en fonction de l’indice de coût de construction (ICC).

Depuis 2020, l’indice FSD augmente : +9,89% pour FSD2, +10,61% pour FSD3, pas d’évolution pour FSD1. Ces données sont répertoriées dans le graphique ci-dessous.

Or, l’ensemble des contrats d’entretien et de maintenance des copropriétés sont indexés sur ces indicateurs. Ces indicateurs impactent directement les charges de copropriété.

La hausse du prix de l’énergie impacte tout le secteur immobilier, le neuf comme l’ancien, au-delà des contrats de maintenance et d’entretien. En effet, par exemple, le coût des matières premières a augmenté depuis la fin du Covid. 

 

III) L’augmentation du coût de l’énergie

1. L’électricité

L’augmentation du prix de l’énergie entre 2020 et 2024, en particulier du coût de l’électricité, impacte directement les charges de copropriété.

Le directeur général d’Opéra Energie, Julien Teddé, a tenu un discours sur la production, la consommation et le prix de l’électricité au Sénat le 14 février 2024. Ce discours a permis d’expliquer lors de cette commission d’enquête que le prix de gros de l’électricité a connu 4 phases visibles dans le graphique ci-contre.

Le prix de gros de l’électricité a atteint un pic en août 2022 (>100€/MWh) expliqué depuis 2016 par la guerre en Ukraine et la fermeture du parc nucléaire français. Cela a entraîné une augmentation du prix du gaz et des quotas d’émission du CO2. Il est intéressant de noter que 30% du prix de l’électricité s’explique par le prix du CO2 car un quota lié à la production d’électricité est devenu obligatoire.

Cependant, depuis 2023 le prix de gros de l’électricité baisse à nouveau. En février 2024, le prix est d’environ 61 €/MWh selon la société Opéra Energie. Cette chute de prix de l’électricité s’explique par une diminution de la consommation des français (-7% par rapport à la période pré-covid).

Certains experts estiment que le prix va continuer de diminuer et risque de mettre en péril les investissements nécessaires pour la transition.

💡Bon à savoir :

Les paramètres ayant une incidence directe sur le prix de l’électricité ces prochaines années sont :

  • la demande/consommation d’électricité des ménages et des entreprises
  • la transition énergétique
  • le prix du gaz et du CO2
  • le rythme de développement des capacités renouvelables en France
  • la disponibilité du parc nucléaire en France.

2. Le gaz

Par ailleurs, le prix de gros du gaz (PEG), après une hausse entre 2022 et 2023, montre une tendance à la baisse en 2024 selon la société EEX. Le prix du gaz revient à un prix stable comme en 2020 (voir graphique ci-dessous). 

Cette tendance à la baisse en 2024 est confirmée par la société Opéra Energie. En février 2024, le prix de gros du gaz est d’environ 27 €/MWh.

IV) L’augmentation du prix de l’assurance

1. Les différents types d’assurances en copropriété

3 types d’assurance peuvent couvrir les parties communes d’un immeuble :

  • Assurance responsabilité civile de l’immeuble
  • Assurance responsabilité civile de chaque copropriétaire
  • Assurance multirisques de l’immeuble

L’article 9-1 de la loi Alur du 24 mars 2014 rend l’assurance en copropriété obligatoire. Le syndicat de copropriété doit donc souscrire à une assurance responsabilité civile collective

Il est recommandé de souscrire à une assurance multirisque immeuble pour mieux protéger la copropriété, couvrant les dommages causés par des tiers et subis par l’immeuble.

En souscrivant à ce type d’assurance, la garantie responsabilité civile est incluse dans ce type de contrat.

💡Bon à savoir :

Dans la majorité des copropriétés, l’assurance multirisque fait partie des charges de copropriétés répartie entre les copropriétaires en fonction de leurs tantièmes

Des critères déterminent l’évolution du tarif des assurances à chaque date d’anniversaire en fonction de la nature des risques assurés :

  • les matériaux de construction,
  • la main d’œuvre,
  • les frais administratifs,
  • les taxes en vigueur.

Les sinistres subis sur une période de 3 ans influent également sur l’augmentation de la prime d’assurance.

2. L’indice de la Fédération Française du Bâtiment (FFB)

L’indice FFB est utilisé par les assureurs afin de déterminer l’augmentation appliquée aux primes multirisques des copropriétés. Cet indice est émis par la Fédération Française du Bâtiment par rapport au coût de la construction d’un immeuble en France.

Depuis 2022, le coût des matières premières a augmenté de +15 à +25% selon des sociétés spécialisées en BTP. Cette augmentation résulte notamment de la guerre en Ukraine. En effet, la rupture des échanges commerciaux avec la Russie, producteur majeur de matières premières pour le bâtiment (acier et aluminium), a entraîné une inflation du prix et des délais de livraison des matériaux de construction. Si bien que le gouvernement français a dû instaurer une clause de non-application de pénalités de retard dans les contrats de construction dès 2022.

💡Bon à savoir :

L’indice FFT est calculé trimestriellement en fonction de la fluctuation du prix des matériaux, de la main d’œuvre et de prestations diverses nécessaires à la construction d’un immeuble. Cela signifie que tous les éléments entrant en considération dans ce calcul influent directement sur cet indice.

Par ailleurs, l’évolution des normes de construction, notamment depuis la mise en place de la RE 2020, a entraîné une hausse significative des coûts de construction. Selon l’INSEE, l’augmentation du coût de construction entre le troisième trimestre 2022 et le troisième trimestre 2023 est de +3,39%

Ces éléments ont contribué à une augmentation de l’indice FFB depuis 2022. Cet indice étant directement connecté aux assurances multirisques des copropriétés, a entraîné également leurs augmentations. Voici l’explication de l’augmentation des charges de copropriété liées aux assurances

Depuis 2020, selon la Fédération française du bâtiment, l’indice FFB a augmenté de +15,3% sur 4 ans selon le graphique ci-dessous.

De plus, l’évolution des conditions climatiques, notamment l’augmentation de la fréquence des orages et des inondations en France, impacte également cet indice.

Ainsi, l’indice FFB influe directement sur l’augmentation des coûts d’assurances au sein des copropriétés. 

Conclusion

L’inflation des charges de copropriété en France entre 2022 et 2023 est bien confirmée. Cependant, en 2024, cette tendance semble s’atténuer avec une diminution du prix de l’énergie, une légère stagnation des indices et une légère augmentation des minima sociaux.

Lors de nos projets, nous constatons que le nettoyage est un poste de frais de maintenance que nous voyons en constante augmentation. Notre travail consiste à regarder les clauses de révision des prix et on s’assure que les augmentations annuelles soient cohérentes avec le prix du marché.

Une gestion prudente des dépenses est cruciale pour maintenir l’équilibre financier des copropriétés. Face à cette situation, Econhomes s’engage à vous soutenir en renégociant vos contrats afin d’obtenir le meilleur rapport qualité-prix. Notre équipe suit de près l’actualité et les valeurs du marché afin de vous accompagner avec professionnalisme. 

Bénéficiez d’une analyse de vos charges de copropriété