La surélévation en copropriété : quels impacts sur les charges ?

Les copropriétés peuvent utiliser leur droit à la surélévation d’immeuble, c’est-à-dire à l’ajout d’un ou plusieurs étages à un bâtiment existant. Les nouveaux étages créés sont constitués de parties privatives et de parties communes. Ce type de projet est un des moyens permettant de solutionner la pénurie du foncier terrestre, en se concentrant sur le foncier aérien

La surélévation d’immeubles est une des solutions soulevée par le Premier Ministre, Gabriel Attal, dans sa politique de création de logements en France. Selon lui, c’est une façon de densifier les villes de manière douce. Sujet d’actualité, une étude sur le potentiel de la surélévation en Ile-de-France débutera au printemps 2024 au ministère du Logement. 

Nous allons voir dans cet article quel est le cadre légal et technique de ce type de projet, qui peut en bénéficier, qui finance ce projet, quels sont les coûts et les données techniques à prévoir pour cet aménagement et quels sont les impacts sur les charges de copropriété

Lexique

(loi) ALUR : loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové

ANIL : Agence nationale pour l’Information sur le Logement

FNAIM : Fédération Nationale de l’Immobilier

UNIS : Union des Syndicats de l’Immobilier

I) Quel est le cadre légal et technique d’un projet de surélévation ?

1. Comment en faire la demande ?

Avant toute démarche, il est conseillé de consulter les articles R.111-27 et R.111-28 du code de l’urbanisme, le Plan Local d’Urbanisme (PLU) de la commune concernée. Ainsi que la jurisprudence pour vérifier l’accord de l’Etat vis-à-vis des surélévations. Ces démarches permettent de vérifier la faisabilité administrative de votre projet. 

Selon l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965, la demande de surélévation d’immeuble peut provenir du  syndicat des copropriétaires, du propriétaire unique ou du copropriétaire du dernier étage. En principe, c’est le syndicat des copropriétaires qui a ce droit, sauf mention contraire dans le règlement de copropriété

Selon l’article 37-1 de la loi du 10 juillet 1965, il est obligatoire de constituer des lots transitoires de surélévation, à usage d’habitation, composés d’une partie privative et d’une quote-part de parties communes. Les détails liés à ces lots transitoires doivent être mentionnés dans le règlement de copropriété. Les constructions projetées doivent y être définies, en mentionnant l’emplacement et le volume des habitations à construire, ainsi que la modification des quotes-part. 

D’après la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), si les lots créés sont disponibles pour tous les copropriétaires alors le vote doit être adopté en majorité absolue. Mais si les lots créés sont privatifs, le vote doit être adopté par ⅔ des copropriétaires.

💡Bon à savoir :

Pour aller plus loin, un guide rédigé en 2023 par l’Agence nationale pour l’Information sur le Logement (ANIL) explicite des exceptions juridiques liées à la surélévation d’immeubles.

Lorsque la décision est validée, le syndicat des copropriétaires peut soit porter lui-même les travaux (il devient maître d’œuvre), soit confier l’ensemble du projet à un tiers, comme à un promoteur (en lui vendant son droit de surélévation).

Depuis la loi du 3 octobre 2013, si le projet respecte la mixité sociale, une dérogation de permis de construire peut être acceptée sans prendre en compte le PLU ni le coefficient d’occupation des sols dans le but d’aligner la hauteur des immeubles.

2. Qui peut financer ce projet et en bénéficier ?

Les coûts liés à la surélévation d’immeuble peuvent être financés par : 

  • le propriétaire unique d’un immeuble qui finance entièrement le projet et peut devenir le maître d’ouvrage ou faire appel à un tiers. Il est obligatoire de recourir à un architecte lorsque la surface de construction est supérieure à 150m2.
  • le copropriétaire du dernier étage peut devenir le maître d’ouvrage pour un projet de surélévation pour ses parties privatives afin de transformer son logement en duplex par exemple. Le coût du projet est alors complètement à sa charge et il devra s’acquitter de son droit à construire envers les autres copropriétaires.
  • le syndicat des copropriétaires qui peut choisir : 
    • d’être maître d’ouvrage afin que le coût soit réparti entre les copropriétaires et que la vente des logements créés puissent rentabiliser les frais engagés dans le projet de surélévation 
    • ou de céder ses droits à la surélévation à un tiers qui deviendra maître d’ouvrage (par exemple : un architecte, un bureau d’étude, un promoteur, un bailleur social).

💡Bon à savoir :

En 2023, en Ile-de-France, sur 780 000 demandes de logements sociaux, seules 70 000 attributions ont vu le jour. Ainsi, pour pallier ce manque de logements, une des solutions choisie par les bailleurs sociaux est d’effectuer des surélévations d’immeuble.

Par exemple, le bailleur social CDC Habitat à Belleville a ajouté 44 nouveaux logements sur un immeuble existant. 

Selon l’article 35 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires du derrière étage sont prioritaires lors de la vente des logements créés lors de la surélévation de l’immeuble. Ils sont également prioritaires lors de la cession du droit de surélévation par le syndicat des copropriétaires. 

Dans le cas où la copropriété est composée de plusieurs bâtiments, le règlement de copropriété peut attribuer le droit de surélévation pour un seul de ses bâtiments. Puis, c’est au cours d’une assemblée générale extraordinaire de copropriétaires que sont désignés les titulaires de ce droit à la surélévation pour ce bâtiment spécifique. 

3. Contraintes techniques à prendre en compte

La surélévation doit répondre à ces 3 critères : 

      1) il doit s’agir d’une construction en dur

      2) avec une prolongation verticale des façades 

      3) et un rehaussement de la toiture

A noter que l’aménagement de combles ne constitue pas une surélévation d’immeuble.

La surélévation concerne les bâtiments anciens comme récents, mais il est plus facile techniquement d’effectuer des surélévations sur des toitures terrasses

Les nouveaux logements créés lors d’un projet de surélévation doivent suivre les mêmes règles imposées par la réglementation thermique que pour les constructions neuves, c’est-à-dire actuellement la RE 2020. 

Les contraintes techniques à prendre en compte lors d’un projet de surélévation sont : 

  • la faisabilité du projet sur la structure existante (étude de sol, étude de structure, reconnaissance des fondations, etc.
  • le choix de dispositifs constructifs (structure et matériaux) selon les politiques locales 
  • la gestion des équipements existants (présence d’ascenseurs, de réseaux, d’amiante, etc.)

 

II) Quels sont les avantages d’un projet de surélévation ?

1. Les bénéfices de la surélévation pour les copropriétés

La surélévation d’immeuble permet : 

  • d’augmenter la surface habitable en optimisant l’espace urbain existant 
  • de réduire les charges de copropriété : la création de nouveaux logements permet de répartir les charges collectives sur davantage de copropriétaires. Ainsi, bien que le nombre de tantièmes augmentent dans la copropriété, les quote-part diminuent. Par exemple, l’ajout d’un étage dans un immeuble de 5 étages permet de diminuer d’environ 20% les charges par copropriétaire.
  • de programmer des travaux de rénovation des parties communes, habituellement différés pour des problèmes de financement des copropriétaires. Par exemple : mise aux normes de l’ascenseur, ravalement de façade, changement de chaudière, installation de panneaux photovoltaïques, etc.

💡Bon à savoir :

Ces travaux permettent de revaloriser la valeur immobilière de l’immeuble et des lots existants (amélioration esthétique, isolation thermique, amélioration globale du bilan énergétique du bâtiment). 

La surélévation d’immeuble devient aussi une source de revenus complémentaires pour les copropriétaires :

  • par la vente ou la location des nouveaux lots créés (opportunité pour certains copropriétaires de vendre leurs combles inoccupés).
  • par la vente de son droit à un tiers pour la surélévation auprès d’un promoteur ou d’un bailleur social (possibilité de percevoir le paiement une fois le permis de construire validé, avant-même le démarrage des travaux – argent divisé entre les copropriétaires en fonction de leurs tantièmes).

2. La surélévation est liée à la rénovation énergétique des copropriétés

Certaines copropriétés de stations de ski à proximité de Grenoble sont dans l’incapacité de financer la mise aux normes de leur logement, véritable passoire énergétique. La solution alors trouvée est d’effectuer une rénovation globale en passant par la surélévation de l’immeuble. 

💡Bon à savoir :

Le projet de surélévation permet de financer les travaux de rénovation énergétique, de mettre aux normes les logements, de créer un toit-terrasse, de remettre en état les parties communes et d’améliorer les performances thermiques, acoustiques et d’étanchéité. 

Outre une réduction conséquente des charges, l’immeuble rénové permet d’optimiser l’espace habitable et d’installer une source d’énergie renouvelable.

3. La surélévation, un sujet d’actualité 

Le sujet de la surélévation d’immeubles, au-delà du discours du Premier Ministre, Gabriel Attal, est souvent soulevé par des acteurs de l’immobilier.

Lors du salon de la copropriété à Nîmes du 29 février 2024, l’Union des Syndicats de l’Immobilier (UNIS) et la Fédération Nationale de l’Immobilier (FNAIM) étaient présentes aux conférences liées à la rénovation énergétique des copropriétés. La problématique posée était : « Pourquoi rénover ? Les travaux, les coûts, les aides, les enjeux ».

Des sociétés ont été invitées pour débattre de ce sujet et proposer leurs services. Notamment, la société française “Upfactor” qui accompagne les copropriétaires, les syndics et les bailleurs sociaux dans leur projet de surélévation d’immeuble. Leur objectif étant de répondre aux problématiques socio-environnementales, de préserver la biodiversité et de créer des logements en zones urbaines denses. Cette société peut vous accompagner, par exemple, dans votre projet de surélévation.

III) Quels sont les coûts à prévoir pour un projet de surélévation ?

1. Déterminer les facteurs de coût en amont du projet de surélévation

En amont d’une surélévation d’immeuble, il est important de chiffrer les facteurs influençant le coût total de ce projet : 

  • les études de structure qui vont déterminer si les fondations et les murs porteurs de l’immeuble peuvent supporter le poids d’un ou de plusieurs étages
  • les honoraires du maître d’ouvrage (architecte et/ou bureau d’étude) qui va concevoir le projet (étude du sol, étude de structure, permis de construire, suivi de chantier, etc.) et ceux du géomètre-expert (relevés, réécriture du règlement de copropriété)
  • les frais de raccord entre l’existant et la création de nouveaux logements (par exemple les frais de prolongation de réseaux d’eau)
  • le coût de la construction dépendant des matériaux utilisés – ainsi que de la déconstruction et évacuation des déchets pour l’existant – et potentiellement le coût des travaux de consolidation de l’existant
  • le coût d’un bureau de contrôle pour la fin de chantier
  • les travaux de rénovation effectués en parallèle 
  • les frais de syndic (accompagnement du maître d’oeuvre dans le suivi de chantier et la modification du règlement de copropriété)
  • les frais financiers induits (intérêt des emprunts, taxes dont TVA immobilière et taxes d’urbanisme, assurances dont assurance dommages-ouvrage, frais de notaires, etc.)

💡Bon à savoir :

Le coût d’un projet de surélévation de copropriété varie en fonction de la zone géographique du projet, du type d’immeuble et du type de surélévation envisagée.

Les dépenses liées aux travaux de surélévation d’un immeuble sont votées lors de l’assemblée générale et ne rentrent pas dans le budget prévisionnel des charges de copropriété. 

2. Estimer une fourchette de prix pour le projet de surélévation

En moyenne, d’une manière comptable, une surélévation d’immeuble coûte entre 1 500 € et 5 000 € TTC/m2. Les prix sont plus élevés dans les grandes métropoles, comme Paris (environ 5 000 € TTC/m2), et moins élevés en province, comme Toulouse (1 500 € TTC/m2). 

Une étude de faisabilité effectuée par un architecte coûte entre 5 000 et 15 000 € TTC afin d’analyser le Plan Local d’Urbanisme (PLU), d’étudier la nature du sol et de la structure du bâtiment, de réaliser des plans du projet, d’estimer le budget prévisionnel et de présenter le projet à l’assemblée générale de la copropriété.

Un projet de surélévation par un architecte coûte de 3 000 à 6 000 € TTC / m2 en incluant l’étude de faisabilité, le dépôt du permis de construire, le dossier de consultation des entreprises, le suivi des travaux, la réception du chantier.

💡Bon à savoir :

Le coût d’un projet de surélévation dépend de l’emprise au sol et de la solidité des fondations. Généralement, les nouveaux étages surélevés ont une surface au sol plus petite que les étages déjà en place. Des renforcements peuvent être nécessaires pour augmenter la portance du bâtiment. 

3. Exemples concrets de coûts de surélévation sur des projets existants

Exemple n°1 : Dépenses pour une surélévation de 100 m2 sur un immeuble à Paris : 

  • le prix de construction = 450 000 € TTC
  • les honoraires de l’architecte = 54 000 € TTC
  • les frais de syndic = 11 250 € TTC
  • les frais du bureau de contrôle = 20 250 € TTC
  • l’assurance dommage-ouvrage = 10 000 € TTC

TOTAL = 545 500 € TTC

Exemple n°2 : Gains financiers suite à une surélévation d’immeuble de 250m2 à Paris 13e : 

  • produit de revente (2 T3 + 2 T2 revendus) = 2 500 000 € TTC
  • charges de surélévation à déduire = 1 250 000 € TTC
  • revalorisation de l’immeuble suite travaux = 500 000 € TTC

TOTAL = 750 000 € TTC

Conclusion

Face au manque de terrains disponibles à l’achat, la solution de la surélévation est un des moyens pour pallier ce déficit de foncier. Ce type de projet s’inscrit (a minima) dans la RE 2020.

Le syndicat des copropriétaires, le propriétaire unique ou le copropriétaire du dernier étage peut être à l’initiative de ce type de projet ou céder son droit à la surélévation auprès d’un tiers (un architecte, un promoteur spécialisé ou un bailleur social). Avant de se lancer dans ce projet, nous vous recommandons de vous renseigner sur les formalités administratives et de réaliser une étude de faisabilité technique.

Un des avantages pérenne dans ce type de projet est qu’il aura un impact direct sur la diminution des charges de copropriété. De plus, il est courant que des travaux de rénovation énergétique soient entrepris en parallèle au niveau de la copropriété, comme par exemple des travaux d’isolation thermique, ce qui diminue également les charges de copropriétés liées au chauffage tout en donnant de la valeur foncière au bien immobilier.

Attention cependant à ne pas minimiser les conséquences liées aux travaux eux-mêmes : la durée du chantier peut s’étaler de 10 à 12 mois, ce qui causera des nuisances.

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