Tri des biodéchets dans le tertiaire
Le tri des déchets fait partie intégrante des engagements environnementaux désormais attendus des professionnels. Commerçants, artisans, TPE, PME et entreprises du secteur tertiaire : tous sont concernés.
Depuis le 1er janvier 2024, la loi AGEC impose le tri à la source des biodéchets pour toutes les structures, quels que soient leur taille et leur volume de production. Cette évolution réglementaire oblige les entreprises à repenser leurs pratiques internes afin d’adopter une gestion plus durable.
Dans cet article, vous trouverez les clés pour comprendre vos nouvelles obligations, choisir les solutions adaptées à votre activité et mettre en place une gestion efficace des biodéchets.
Sommaire :
I) Un cadre réglementaire renforcé pour une gestion responsable
1) Le tri à 9 flux : une obligation incontournable
2) Identifier et classer ses déchets
3) Biodéchets : une nouvelle priorité pour les entreprises
II) Les responsabilités légales des entreprises en matière de biodéchets
1) Comment se mettre en conformité ?
2) Quelles preuves fournir en cas de contrôle ?
3) Quels risques en cas de non-respect ?
III) Les stratégies efficaces de valorisation des biodéchets
1) Estimer et réduire ses biodéchets : un levier écologique et économique
2) Pourquoi trier à la source ?
3) Comment organiser efficacement la gestion des biodéchets ?
Lexique
ADEME : Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie
AGEC : loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire
BSD : Bordereaux de Suivi des Déchets
CCI : Chambre de Commerce et d’Industrie
DASRI : Déchets d’Activités de Soins à Risques Infectieux
EEE : Équipements électriques et électroniques
PAV : Points d’Apports Volontaires
POP : Polluants Organiques Persistants
REP : Responsabilité Élargie du Producteur
RSE : Responsabilité Sociétale des Entreprises
I) Un cadre réglementaire renforcé pour une gestion responsable
1. Le tri à 9 flux : une obligation incontournable
Depuis 2016, les entreprises sont tenues de trier à la source 6 flux de déchets : papier, carton, métal, plastique, verre et bois. Cette obligation s’est élargie en 2021 avec l’ajout de 2 nouveaux flux : la fraction minérale (déchets inertes comme le béton ou les briques) et le plâtre.
Dès lors que le volume hebdomadaire de déchets dépasse 1 100 litres, le tri des flux principaux devient obligatoire. Cette disposition vise particulièrement les activités tertiaires générant un fort gisement de déchets.
En 2023, les biodéchets sont venus compléter la liste, portant ainsi à 9 le nombre total de flux soumis au tri.
💡Bon à savoir :
Depuis janvier 2023, le tri des biodéchets est obligatoire pour les professionnels produisant plus de 5 tonnes de biodéchets par an. Les secteurs concernés incluent la distribution alimentaire, la restauration collective, ainsi que l’industrie agroalimentaire.
Par ailleurs, des obligations spécifiques s’appliquent selon la nature des déchets produits :
- Papiers de bureau : tri obligatoire dès 20 salariés sur site,
- Huiles alimentaires : tri obligatoire à partir de 60 litres par an,
- Déchets dangereux : tri obligatoire avec traçabilité numérique via la plateforme Trackdéchets (piles, solvants, néons, encres, équipements électriques ou produits chimiques)
- Déchets d’Activités de Soins à Risques Infectieux (DASRI) : collecte depuis les hôpitaux, salon de tatouage ou laboratoires via un prestataire spécialisé
- Déchets non dangereux : collecte confiée à des prestataires agréés.
💡Bon à savoir :
Trackdéchets est une plateforme numérique réglementaire développée par le Ministère de la Transition Écologique. Elle permet la dématérialisation du suivi des déchets dangereux via la génération de Bordereaux de Suivi des Déchets (BSD). Tous les acteurs de la filière doivent être inscrits pour y créer, signer et suivre ces bordereaux de manière sécurisée.
Cela permet la traçabilité des déchets dangereux et simplifie les déclarations au registre national (RNDTS).
2. Identifier et classer ses déchets
Chaque déchet produit dans l’entreprise doit être identifié selon trois critères fondamentaux :
- S’il est dangereux (toxique, inflammable, corrosif, etc.),
- S’il est soumis à un tri obligatoire,
- S’il contient des polluants organiques persistants (POP).
Dans la nomenclature européenne, les déchets dangereux sont repérés par un astérisque (*).
Mettre en place un tri à la source efficace suppose une organisation claire et rigoureuse :
- Séparation des flux dès la production
- Mise en place de bacs et contenants spécifiques
- Signalétique adaptée dans les locaux
- Sensibilisation et formation des équipes
- Recours à un prestataire spécialisé si nécessaire.
>>> A lire aussi : ADEME – Guide des déchets professionnels <<<
Certaines entreprises sont également soumises au principe de Responsabilité Élargie du Producteur (REP). Cela concerne les structures qui produisent, importent ou mettent sur le marché certains types de produits. Les principales filières REP concernées sont :
- Emballages
- Mobilier, textiles, literie, textiles sanitaires
- Équipements électriques et électroniques (EEE)
- Jouets, articles de sport, bricolage, jardinage, engins de pêche
- Produits chimiques (peintures, solvants, gaz), piles, huiles, pneus, médicaments
- Produits du tabac.
Pour vérifier si votre entreprise est concernée, consultez Légifrance ou adressez-vous à votre éco-organisme.
3. Biodéchets : une nouvelle priorité pour les entreprises
Depuis le 1er janvier 2024, conformément à la loi AGEC, toutes les entreprises — quels que soient leur secteur d’activité ou leur taille — doivent trier leurs biodéchets à la source et organiser leur valorisation. Cette obligation s’applique même pour de faibles volumes.
Deux options de valorisation sont possibles :
- Compostage sur site (individuel ou collectif)
- Collecte par un prestataire agréé.
💡Bon à savoir :
Les biodéchets sont définis par l’article L541-1-1 du Code de l’environnement comme des déchets biodégradables non dangereux. Ils se regroupent en trois catégories :
- Déchets alimentaires ou de cuisine : restes, épluchures, marc de café, pain, y compris emballés
- Déchets verts : tontes, tailles, feuilles
Déchets issus de l’agroalimentaire : cantines, restaurants, commerces alimentaires
Les biodéchets représentent près de 30 % du contenu des poubelles, alors qu’ils sont entièrement valorisables.
>>> A lire aussi : Tri des biodéchets en copropriété <<<
La réglementation impose aux entreprises plusieurs obligations :
- Tri à la source : les biodéchets doivent être triés sans mélange avec d’autres déchets.
- Valorisation : les entreprises doivent organiser soit un traitement sur site (compostage, paillage, broyage), soit une collecte par un prestataire agréé en vue d’un traitement par compostage ou méthanisation.
- Tenue d’un registre des déchets : document conservé pendant trois ans, indiquant la date, la nature, la quantité, le transporteur, le lieu de traitement et le type de valorisation. Le code 02 01 03 est souvent utilisé pour les déchets végétaux.
Pour les entreprises produisant moins de 120 litres de biodéchets par semaine, un apport volontaire dans une borne de compostage est possible. Au-delà, elles doivent organiser une collecte privée ou un compostage sur site (hors déchets carnés/laitiers).
En cas de prestation de jardinage, le devis doit mentionner :
- Le volume estimé de déchets
- Les modalités de tri et d’enlèvement
- Le traitement prévu
- Les points de collecte
- Les coûts associés
Un bordereau de dépôt devra être fourni par le collecteur agréé.
II) Les responsabilités légales des entreprises en matière de biodéchets
1. Comment se mettre en conformité ?
Les entreprises disposent de trois principales options pour valoriser leurs biodéchets.
Valorisation sur site (compostage, broyage, paillage) :
Cette solution locale est particulièrement adaptée aux structures disposant d’un espace extérieur et d’un volume de biodéchets régulier. Des associations ou acteurs spécialisés accompagnent les entreprises dans cette démarche. Par exemple :
- OASIS Environnement propose des prestations d’accompagnement, de formation et d’installation de composteurs.
- Terra Compost, Compost In Situ ou Les Alchimistes interviennent dans la collecte et le compostage local.
- REFLEX-BIORESSOURCES, Les Boîtes Vertes ou Bio-t-full se consacrent à la sensibilisation, à la formation et à l’animation de démarches collectives de tri.
Recours à un prestataire privé agréé :
Certaines entreprises choisissent de confier la collecte de leurs biodéchets à des opérateurs spécialisés. Plusieurs prestataires privés sont agréés pour la collecte et la valorisation. Par exemple : Les Alchimistes, Paprec, Véolia, Nicollin, Suez, etc. Ils assurent ensuite un traitement via compostage ou méthanisation, en lien avec des exploitants locaux.
Collecte par le service public, selon éligibilité :
Certaines collectivités proposent un service public de collecte des biodéchets, notamment pour les entreprises dont les déchets sont assimilables aux ordures ménagères. Ce service est soumis à conditions :
- seuil de volume hebdomadaire (souvent < 840 L),
- horaires définis,
- grille tarifaire spécifique.
Le choix de la solution dépend notamment des volumes produits, de la localisation géographique et de la proximité des infrastructures de traitement. Au-delà de 840 litres de biodéchets par semaine, le recours à un prestataire privé devient obligatoire.
Pour être en conformité, l’entreprise doit alors :
- Installer des bacs spécifiques pour les biodéchets
- Définir avec son prestataire la fréquence de collecte et les consignes de tri
- Former les équipes internes (salariés, prestataires de nettoyage)
- Mutualiser la gestion avec d’autres entreprises du même site, si possible
Conserver tous les justificatifs : attestations de collecte, bordereaux BSD, registres, enregistrements Trackdéchets.
Exemple de projet Econhomes : Annemasse (74), ZAC de Étoile, Îlot A1 (Groupe Giboire) :
Le projet immobilier tertiaire développé par le Groupe Giboire à Annemasse illustre bien l’anticipation des enjeux liés au tri des biodéchets.
Sur le bâtiment A1-a, 5 000 m² d’activités tertiaires sont répartis sur plusieurs niveaux.
- 4 composteurs partagés sont installés dans les espaces verts communs. S’ils sont initialement destinés aux logements, aucune séparation physique ne limite leur usage aux occupants du tertiaire.
- Les déchets issus des logements sont collectés via Points d’Apport Volontaire (PAV), tandis que ceux des activités tertiaires sont pris en charge par deux aires de présentation positionnées au rez-de-chaussée sur l’espace public.
Ce projet témoigne d’une volonté d’intégrer les obligations réglementaires dès la conception du site, tout en mutualisant intelligemment les équipements de tri et de valorisation.
2. Quelles preuves fournir en cas de contrôle ?
Pour prouver sa conformité, l’entreprise doit conserver pendant trois ans une série de documents justificatifs. Ces éléments doivent pouvoir être présentés à l’administration en cas de contrôle :
- Registre des déchets : il mentionne pour chaque lot la nature, la quantité, la date, le mode de valorisation, le transporteur et le site de traitement. Pour les déchets verts, le code fréquemment utilisé est le 02 01 03.
- Contrats ou attestations de tri, de collecte et de valorisation signés avec les prestataires
- Bordereaux de Suivi des Déchets (BSD)
- Justificatifs de dépôt, bons de pesée ou factures
La plateforme Trackdéchets est obligatoire pour : les déchets dangereux, les déchets POP, les DASRI, l’amiante, les fluides frigorigènes et les véhicules hors d’usage.
Si l’ensemble des données est enregistré sur Trackdéchets, la tenue d’un registre séparé devient alors facultative.


3. Quels risques en cas de non-respect ?
Le Code de l’environnement prévoit plusieurs niveaux de sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations :
- Brûlage illégal : jusqu’à 450 € d’amende
- Dépôt sauvage : jusqu’à 15 000 € d’amende
- Absence de tri ou de registre : jusqu’à 75 000 € d’amende et 2 ans de prison
- Manquements sur les devis de prestations (ex : jardinage) : 3 000 € pour une personne physique, 15 000 € pour une personne morale
- Pollution grave liée à une mauvaise gestion des déchets : jusqu’à 150 000 € d’amende et 4 ans de prison
Les entreprises mises en cause peuvent recevoir une injonction à se mettre en conformité, accompagnée le cas échéant :
- d’astreintes financières
- d’une interruption temporaire d’activité
- ou d’une sanction administrative (jusqu’à 150 000 € d’amende – art. L541-3).
En cas de refus, des sanctions pénales s’ajoutent, avec des peines d’emprisonnement et des amendes cumulables (art. L541-46).
III) Les stratégies efficaces de valorisation des biodéchets
1. Estimer et réduire ses biodéchets : un levier écologique et économique
En tant que professionnel, vous êtes responsable de vos déchets depuis leur production jusqu’à leur élimination ou valorisation finale, conformément à l’article L541-2 du Code de l’environnement. Cette responsabilité est pleine et entière, même si vous déléguez la gestion à un tiers.
Vous engagez ainsi votre responsabilité si vous :
- Jetez des déchets dangereux sans précaution
- Mélangez des déchets dangereux avec d’autres
- Abandonnez ou brûlez des déchets à l’air libre
- Rejetez à l’égout des produits liquides dangereux
- Enfouissez ou mettez en décharge des déchets valorisables.
Pour gérer efficacement vos déchets, vous devez donc :
- Identifier précisément les types de déchets produits
- Organiser leur tri à la source
- Assurer leur traçabilité (registre ou Trackdéchets)
- Garantir leur traitement dans le respect des règles en vigueur
Avant de mettre en place une solution de valorisation, il est conseillé de réaliser un diagnostic précis de votre production de biodéchets. Quels types de déchets ? Quels volumes ? Quelle fréquence ?
Des structures comme la CCI, la Chambre des Métiers, ou la BPI peuvent vous accompagner dans cette démarche.
Réduire ses déchets, c’est aussi :
- Réduire les coûts de collecte
- Valoriser l’image écologique de votre entreprise
- Accéder à la collecte communale si vous produisez moins de 840 L/semaine
- Réduire votre impact sur la chaîne de production, de vos fournisseurs à vos clients
💡Astuces :
- Optez pour des contenants réutilisables (caisses, bacs)
- Formez vos équipes au tri et aux consignes
- Compostez sur site ou dans une borne de quartier
- Limitez les emballages à usage unique
- Utilisez des doggy bags ou de la vaisselle lavable
2. Pourquoi trier à la source ?
Le tri à la source des biodéchets permet de valoriser une matière composée à 60–90 % d’eau, qui, autrement, serait incinérée ou mise en décharge — générant ainsi des émissions de CO₂ évitables et une perte de matière utile.
En triant vos biodéchets, vous contribuez à leur transformation en ressources :
- Compost pour l’agriculture, les espaces verts ou les potagers
- Biogaz injecté dans le réseau ou utilisé pour produire de la chaleur (via méthanisation)
- Biocarburants (à partir notamment des huiles usagées)
💡Exemple :
Les huiles alimentaires usagées peuvent être transformées en biocarburants pour alimenter les véhicules de collecte (ex : flotte de Véolia). Une tonne d’huiles usagées donne jusqu’à 1 200 litres de biocarburant.
Cette valorisation améliore la fertilité des sols, limite l’utilisation d’engrais chimiques, et favorise un modèle d’économie circulaire.
3. Comment organiser efficacement la gestion des biodéchets ?
Pour structurer une gestion efficace des biodéchets dans votre entreprise, il est essentiel d’impliquer les salariés dès le démarrage :
- Installer des bacs adaptés (composteurs, lombricomposteurs, bokashi, etc.) dans vos locaux ou à proximité immédiate
- Former des référents internes ou créer des binômes tournants
- Afficher des consignes claires et visibles
- Communiquer régulièrement auprès des salariés (résultats, rappels, succès)
- Suivre le processus dans le temps (quantités triées, qualité du tri, fréquence de collecte) et ajuster le processus selon les retours
💡Bon à savoir :
Une entreprise tertiaire de 50 salariés génère en moyenne 2 à 3 brouettes de compost par an.
Un compost bien géré ne dégage pas d’odeur désagréable et n’attire pas les nuisibles. Pour cela, maintenir un bon équilibre dans le compost entre déchets « bruns » (carton, sciure, feuilles) et « verts » (restes alimentaires, pelures) est essentiel. Et même en cas de déséquilibre, le processus de compostage reste réversible. Le compost produit peut ensuite :
- Fertiliser les espaces verts de l’entreprise
- Enrichir les plantes d’intérieur
- Être redistribué aux salariés.
Conclusion
L’obligation de tri à la source des biodéchets marque une étape clé dans la gestion des déchets en entreprise, en particulier dans le secteur tertiaire. Elle reflète une volonté nationale d’accélérer la transition vers un modèle plus durable et circulaire.
Mais au-delà de la contrainte réglementaire, cette obligation est une véritable opportunité pour réduire votre empreinte carbone, responsabiliser vos équipes et renforcer votre démarche RSE.
Mettre en place une gestion efficace des biodéchets, c’est aussi éviter les sanctions, anticiper les évolutions à venir et gagner en cohérence environnementale.
Dès 2025, un 10e flux — dédié aux textiles professionnels — viendra compléter la liste des obligations de tri. Anticiper, structurer et accompagner ces changements, c’est faire le choix d’une entreprise plus résiliente, responsable et alignée avec les attentes de demain.